Vu de Pologne. Ukraine : le président Ianoukovytch souffle le chaud et le froid
Revue de la presse polonaise du 7 au 13 décembre 2013
L’Ukraine continue de faire l’objet d’une couverture soutenue des media polonais puisque malgré des craintes répétées d’essoufflement, le mouvement de l’Euromaidan reste fort. Le nombre de manifestants aurait même atteint dimanche un nouveau record en comparaison des semaines précédentes, tandis que les campements permanents résistent tant bien que mal aux températures négatives et aux intimidations de la milice.
L’opposition, bien qu’hétéroclite, s’est mise d’accord sur quatre revendications : la démission du gouvernement de Mykola Azarov en faveur d’un cabinet « technique » ; la reprise des discussions avec l’Union européenne (UE) pour signer l’accord d’association ; l’organisation d’élections parlementaires anticipées – elles étaient normalement prévues pour janvier 2015 – et enfin la libération des « prisonniers politiques », c’est-à-dire de jeunes Ukrainiens arrêtés au cours des manifestations.
Cette liste s’est allongée pendant la semaine d’une cinquième condition pour la participation de l’opposition à la table ronde proposée le président Viktor Ianoukovytch. En effet, alors que Catherine Ashton, haute représentante de l’UE pour les affaires étrangères et la politique de sécurité et Victoria Nuland, adjointe aux questions européennes et eurasiatiques du secrétaire d’État américain, étaient en visite à Kiev pour trouver une issue à la crise et convaincre le pouvoir de ne pas recourir à la force, les sections spéciales de la milice ont attaqué au milieu de la nuit de mardi à mercredi plusieurs barricades avant de se retirer, faisant quelques dizaines de blessés. Le siège du parti de Ioulia Tymochenko Batkiwszczyna (« Patrie ») a également été forcé et des serveurs informatiques détruits.
« Dégoût » du secrétaire d’État américain
Outre l’affront fait aux négociateurs occidentaux qui a poussé le secrétaire d’État amércain John Kerry à exprimer son « dégoût » pour les agissements du gouvernement ukrainien, ce dernier a perdu de sa crédibilité à la fois aux yeux de l’Union européenne et de l’opposition. Ses leaders réclament désormais la médiation des présidents lituanien et polonais Dalia Grybauskaite et Bronisław Komorowski ainsi que du commissaire européen à l’élargissement et à la politique de voisinage Štefan Füle pour entamer un dialogue avec le président Viktor Ianoukovytch.
L’envoyé spécial du Parlement européen Aleksander Kwaśniewski, qui le connaît bien pour l’avoir rencontré à de nombreuses reprises dans le cadre de sa mission, explique dans un entretien pour Rzeczpospolita que le chef de l’État ukrainien est un homme « dual ». À force de vouloir jouer en même temps sur les fronts européen et russe, sa politique en devient « illisible » et surtout perd en crédibilité. Néanmoins, l’exécutif conserve une « forte légitimité démocratique » qui en fait un partenaire incontournable pour l’UE comme pour l’opposition.
Porte ouverte ou sanctions ?
Dans de telles conditions, il est difficile pour la Pologne et l’Union de formuler une réponse appropriée et constructive à même de faire sortir l’Ukraine de l’impasse politique dans laquelle elle s’enferme. Le professeur Michał Kleiber, président de la prestigieuse Académie polonaise des sciences (PAN), affirme ainsi tout de go qu’« indépendamment des circonstances, l’Ukraine n’est pas aujourd’hui adaptée à l’Europe entendue comme un continent basé sur un socle de valeurs pour nous fondamentales ». Il estime donc que l’Union ne devrait pas encourager la déstabilisation du pays mais plutôt miser sur le long terme et prouver aux Ukrainiens que l’option occidentale est la meilleure. Ceci passerait notamment par « le développement de la société civile, la construction de media indépendants, les échanges de jeunes, la coopération avec les ONG et les collectivités locales » ou encore la « modernisation de l’économie ».
En fin de semaine cependant, on pouvait commencer à entendre un autre son de cloche lié à la brutale réaction du pouvoir. L’eurodéputé Paweł Kowal, président de la délégation au comité de coopération parlementaire UE-Ukraine, suggère par exemple que Kiev soit informée « par des canaux diplomatiques » de la possibilité de sanctions à son encontre. Elles pourraient en particulier viser les actifs des oligarques ukrainiens et faire indirectement pression sur le gouvernement. L’option a d’ailleurs été soulevée par les États-Unis. D’un autre côté, si elle se révèle inefficace, le risque est de faire de l’Ukraine une nouvelle Biélorussie, isolée, cible de sanctions multiples mais complètement figée. Pour l’heure, la Pologne demeure fidèle à la politique de la porte ouverte en offrant une aide matérielle et des bourses aux Ukrainiens et en poussant auprès de ses partenaires européens l’idée de lever l’obligation de visa.
Articles phares :
- Tomasz Bielecki, « Ukraina przed drugą rundą. W niedzielę sprawdzian siły opozycji », Gazeta Wyborcza, 7 décembre 2013 ;
- Michał Kleiber, « Ukraina nie pasuje do Europy », Rzeczpospolita, 9 décembre 2013 ;
- Tomasz Bielecki, « Pomiędzy okrągłym stołem a pacyfikacją. Wielkie oczekiwanie w Kijowie », Gazeta Wyborcza, 10 décembre 2013 ;
- Jędrzej Bielecki, « Próba sił na Majdanie », Rzeczpospolita, 10 décembre 2013 ;
- Tomasz Bielecki, « Unio, pomóż nam », Gazeta Wyborcza, 11 décembre 2013 ;
- Jędrzej Bielecki, « Janukowycz traci wiarygodność » (entretien avec Aleksander Kwaśniewski), Rzeczpospolita, 12 décembre 2013 ;
- Jędrzej Bielecki, « Prezydent się zakiwał », Rzeczpospolita, 12 décembre 2013 ;
- Janina Blikowska, Joanna Ćwiek, « Paczki i stypendia dla Ukraińców », Rzeczpospolita, 12 décembre 2013 ;
- Tomasz Bielecki, « Na Majdanie organizuje się społeczeństwo obywatelskie », Gazeta Wyborcza, 13 décembre 2013 ;
- Mirosław Czech, « Na Majdanie „czysty czwartek” », Gazeta Wyborcza, 13 décembre 2013 ;
- Anna Słojewska, « Bat Zachodu na oligarchów », Rzeczpospolita, 13 décembre 2013.