Vu de Pologne. UE-Ukraine : pas de miracle au sommet de Vilnius

Revue de la presse polonaise du 23 au 29 novembre 2013

Après l’annonce faite la semaine dernière par le gouvernement ukrainien de reporter la signature d’un important accord d’association avec l’Union européenne (UE), seul un retournement inattendu de situation aurait pu faire du sommet de Vilnius un événement historique marquant un rapprochement décisif entre l’UE et l’Ukraine. Le miracle ne s’est cependant pas produit et si la présidence lituanienne aura tout de même réussi à faire parapher deux accords d’association avec la Géorgie et la Moldavie, l’Ukraine, dont le poids stratégique est nettement supérieur, continue de naviguer entre les champs d’attraction de l’UE et de la Russie.

Jusqu’à la dernière minute pourtant, la Commission européenne et les États membres auront mis sur la table de nouveaux éléments de compromis. M. Štefan Füle, commissaire européen à l’Élargissement et à la Politique européenne de voisinage, s’est ainsi rendu à Kiev pour proposer un milliard d’euros d’aide supplémentaire en vue de faciliter l’adoption des règles de l’acquis communautaire. Une « aumône », selon le Premier ministre Mykola Azarov, alors que les besoins seraient selon certaines sources jusqu’à vingt fois supérieurs. L’autre obstacle majeur à la signature de l’accord – la détention de l’opposante Ioulia Tymochenko – a été levé par l’intéressée elle-même qui ne souhaitait pas que la question de sa libération compromette l’avenir géopolitique de son pays.

Des manifestations ont également eu lieu dans différentes villes d’Ukraine afin de contraindre le président à revenir sur sa décision. Même la fameuse place de l’Indépendance « Maidan », épicentre de la révolution orange en 2004 qui a dénoncé la victoire frauduleuse du candidat à l’élection présidentielle Viktor Ianoukovytch et obtenu l’organisation d’un nouveau scrutin, a été occupée – le même Viktor Ianoukovytch sera toutefois élu, cette fois régulièrement, en 2010. Les mouvements n’ont pas en revanche atteint l’ampleur de la révolution orange.

Un accord devenu le symbole d’un grand jeu géopolitique

À la question de savoir qui était responsable de « l’échec » des négociations UE-Ukraine, les journalistes polonais comme les personnalités interrogées semblent d’accord pour désigner le chef de l’État ukrainien. M. Radosław Sikorski, ministre polonais des Affaires étrangères, a ainsi comparé l’offre faite à l’Ukraine avec l’accord d’association signé par la Pologne au début des années 1990 pour montrer que l’aide promise à Kiev était loin d’être négligeable. Il a ajouté que le sens de l’intégration européenne n’était pas de « faire monter les enchères avec la Russie » et que si l’Ukraine avait entrepris de libéraliser son économie, elle serait aujourd’hui nettement moins vulnérable aux pressions extérieures.

Tomasz Bielecki de Gazeta Wyborcza fait de son côté observer que les États-Unis et l’Union européenne avaient à de multiples reprises proposé leur assistance à Kiev dans les différends commerciaux qui l’opposaient à Moscou ou dans les discussions avec le Fonds monétaire international. Les autorités ukrainiennes avaient alors décliné leurs services de peur d’irriter davantage le Kremlin.

À défaut d’avoir débouché sur la signature de l’accord d’association, le sommet de Vilnius et toutes les démarches qui l’ont précédé ont donc eu le mérite d’attirer l’attention de l’ensemble des Vingt-Huit sur le Partenariat oriental et consolider leur position vis-à-vis de la Russie. La déclaration Van Rompuy-Barroso fait à cet égard preuve d’une fermeté inédite. De l’avis d’un diplomate interrogé par Rzeczpospolita, c’est Vladimir Poutine lui-même qui a encouragé le processus en transformant le Partenariat oriental en grand jeu géopolitique. Un jeu dont on ne sait pas encore qui sortira gagnant.

Articles phares :
- Tomasz Bielecki, « Zwolennicy Unii na Ukrainie burzą się przeciw Janukowyczowi », Gazeta Wyborcza, 23 novembre 2013 ;
- Piotr Kościński, « Zneutralizować rosyjski kij », Rzeczpospolita, 25 novembre 2013 ;
- Tomasz Bielecki, « UE nie chce oddać Kijowa Moskwie », Gazeta Wyborcza, 26 novembre 2013 ;
- Andrzej Kublik, « Z Moskwą czy z Brukselą? Kijów pyta, ile dostanie », Gazeta Wyborcza, 27 novembre 2013 ;
- Jędrzej Bielecki, Andrzej Talaga, « Nie będziemy się z Rosją licytować » (entretien avec M. Radosław Sikorski, ministre polonais des Affaires étrangères), Rzeczpospolita, 28 novembre 2013 ;
- Tomasz Bielecki, « Ukraińskie fiasko w Wilnie », Gazeta Wyborcza, 29 novembre 2013 ;
- Jędrzej Bielecki, « Litewska próba Unii », Rzeczpospolita, 29 novembre 2013.