La règle de l’unanimité au sein des institutions européennes

Entretien pour Nomes, le Nouveau mouvement européen suisse, à propos de la règle de l’unanimité au sein des institutions européennes et publié le 17 décembre 2020. Consultable sur Internet Archive ou ci-dessous.

1. La Pologne et la Hongrie ont mis leur veto au plan de relance européen. L’Union européenne (UE) doit-elle réviser le système actuel pour avancer plus efficacement sur certains dossiers ?

Outre que cette révision requerrait elle-même une unanimité difficile à imaginer aujourd’hui, l’abandon de la règle de l’unanimité pour certaines prises de décision – telles que l’adoption du budget commun, la coopération fiscale, la révision des traités, etc. – serait loin de pouvoir résoudre les problèmes d’« efficacité » de l’UE. Nous avons observé ces dernières années des décisions adoptées par les institutions communes, mais qui n’ont par la suite pas été appliquées par les États membres, comme par exemple en matière d’accueil des demandeuses et demandeurs d’asile.

2. Est-il possible de gérer cette dissension tout en maintenant l’unité européenne ?

L’unité européenne nécessite-t-elle que tous les Etats européens fassent partie de l’UE et, qu’au sein de l’Union, tous les Etats membres prennent part à l’ensemble des politiques communes ? Si c’est le cas, soit l’unité européenne n’a jamais existé – prenons pour exemple les Etats européens ne faisant pas partie de l’Union, les options d’exemption de l’UE, etc. –, soit il a été estimé qu’une coopération renforcée mais au nombre d’Etats participants limité, tout en gardant la porte ouverte pour de nouveaux adhérents, ne représentait pas un danger pour cette unité.

3. Hypothétiquement, que signifierait pour l’UE le passage du principe de l’unanimité au principe de la majorité qualifiée ?

Il est possible qu’un tel changement de régime pousse vers la sortie les Etats les moins en phase avec les orientations majoritaires au sein de l’UE, par exemple la Pologne qui nage à contre-courant de l’orientation dominante dans la quasi-totalité des dossiers, que ce soit en matière de politique climatique, d’Europe sociale ou encore de respect de l’Etat de droit. Même des Etats moins voyous mais plus petits pourraient se sentir menacés, à tort ou à raison, par la domination des plus grands, à commencer par le tandem franco-allemand.

4. Quels seraient les avantages du principe de la majorité pour le fonctionnement de l’UE ?

Le principal avantage de ce principe est de permettre une adoption plus rapide des décisions, voire de tout simplement permettre une prise de décision, sans « perdre » de temps à devoir convaincre tous les participant∙es. Pour autant, dans une UE qui a peu de moyens d’exécution propres et dont la capacité d’action est donc en pratique dépendante des autorités nationales ou locales, adopter formellement une décision ne sert pas à grand-chose si les Etats ou les collectivités territoriales ne l’appliquent pas par la suite.