Vu de Pologne. Referendum de destitution contre le maire de Varsovie Hanna Gronkiewicz-Waltz

Revue de la presse polonaise du 5 au 11 octobre 2013

« Événement politique de l’année » : c’est l’expression qu’emploie Paweł Wroński, l’un des journalistes vedettes du quotidien de centre gauche Gazeta Wyborcza, pour qualifier le referendum de destitution organisé dimanche 13 octobre contre le maire de Varsovie, Mme Hanna Gronkiewicz-Waltz. Bien que le scrutin n’ait en théorie qu’une portée locale, la capitale a souvent été au cours des dernières années à l’avant-garde de tendances politiques nationales, si bien que les media polonais ont abondamment couvert le sujet.

Le referendum de destitution est une spécificité du droit polonais qui permet à un collectif de citoyens de renverser en cours de mandat le tenant du pouvoir exécutif local. Pour ce faire, il doit d’abord organiser une pétition et réunir un nombre suffisant de signatures d’habitants de la collectivité en question. Si la condition est remplie, un vote se tient au cours duquel l’ensemble des habitants de la région, du district ou de la municipalité peuvent exprimer leur volonté de conserver ou de déposer le président en exercice. Le résultat ne devient contraignant que si le nombre de participants atteint au moins les trois cinquièmes du nombre de votants lors des précédentes élections.

À Varsovie, l’opération semble s’inscrire dans la suite d’autres scrutins locaux comme à Rybnik, Elbląg ou dans les Basses-Carpates et qui s’étaient à chaque fois conclus par la sanction des représentants du parti au pouvoir Plateforme civique (PO, centre droit) au profit du principal groupe d’opposition Droit et justice (PiS, droite conservatrice). Pourtant, la campagne pour le referendum, débutée en mai, avait surtout été initiée par des maires d’arrondissement sans étiquette comme Piotr Guział à Ursynów.

Une campagne de protestation locale récupérée par les partis nationaux d’opposition

Elle devait constituer une réponse à une série de décisions très impopulaires auprès des habitants de Varsovie comme la hausse des prix du transport public, de la taxe d’enlèvement des ordures ménagères, le retard ou le gel de certains grands projets d’infrastructure et enfin les coupes budgétaires imposées à plusieurs institutions éducatives et culturelles. Toutefois, à mesure que la campagne gagnait de l’ampleur, une coalition très hétéroclite allant du PiS au mouvement Palikot (gauche libérale et anticléricale) s’en est emparée afin de déclencher un vote sanction contre le gouvernement en place et de préparer les prochaines élections nationales.

De fait, en sa position de vice-présidente de la PO, Hanna Gronkiewicz-Waltz représente une cible évidente pour l’opposition. Les tentatives de soutien du gouvernement, qu’il s’agisse de l’appel au boycott lancé par le Premier ministre Donald Tusk ou le déblocage de fonds pour des projets d’infrastructure, n’ont pas cherché à dissocier davantage les enjeux nationaux et locaux. Même à la PO donc, les stratèges politiques reconnaissent que la mairie de Varsovie est un symbole de portée nationale.

La destitution de HGW, signe annonciateur d’une alternance au gouvernement ?

Il est vrai que comme le souligne Paweł Wroński, l’arrivée de Lech Kaczyński (PiS) à la tête de la capitale en 2002 puis, quatre ans plus tard, la victoire d’Hanna Gronkiewicz-Waltz avaient systématiquement annoncé le succès de leurs partis respectifs aux scrutins nationaux suivants. Or, les derniers sondages effectués avant le referendum étaient de mauvaise augure pour la PO. Outre un taux de participation suffisamment élevé pour rendre le vote valide, deux tiers des personnes interrogées se déclaraient en faveur de la destitution de l’actuel maire de Varsovie.

Si ces résultats devaient se confirmer, le gouvernement pourrait soit nommer un commissaire qui assurerait l’interim jusqu’aux prochaines élections municipales prévues fin 2014, soit avancer la date du scrutin. Au début de la campagne référendaire, le Premier ministre avait affirmé, dans le but de décourager la participation, que le commissaire désigné pourrait être Mme Hanna Gronkiewicz-Waltz elle-même, cependant une telle option serait difficile à défendre sur le plan de la légitimité politique. En revanche, selon une enquête conduite par TNS Polska pour le compte de la PO, « HGW » aurait toutes les chances d’être réélue au cours d’une élection régulière, d’autant que ses efforts de communication menées pendant la campagne référendaire ont réussi à redresser quelque peu sa cote de popularité.

Dans l’état actuel des choses, le referendum pourrait donc déboucher sur une situation paradoxale dans laquelle le maire en place est suffisamment impopulaire pour être destitué mais serait malgré tout reconduit, faute d’opposant capable de réunir une large majorité d’électeurs. C’est pourquoi la Chancellerie de la Présidence de la République travaille désormais sur une révision de la procédure des referenda locaux qui doit la rendre plus constructive, notamment en revoyant à la hausse les seuils de validité.

Articles phares :
- Iwona Szpala, « Zła wiadomość dla Hanny Gronkiewicz-Waltz », Gazeta Wyborcza, 5 octobre 2013 ;
- Eliza Olczyk, « Biorę, nie kwituje » (entretien avec Ludwik Dorn), Rzeczpospolita, 5 octobre 2013 ;
- Iwona Szpala, « PiS: Idźcie na referendum, będzie jak za Gierka », Gazeta Wyborcza, 9 octobre 2013 ;
- Paweł Majewski, Janina Blikowska, « Ostatki stołecznej kampanii », Rzeczpospolita, 9 octobre 2013 ;
- Iwona Szpala, « Tak czy owak - wygra Hanna Gronkiewicz-Waltz », Gazeta Wyborcza, 10 octobre 2013 ;
- Jacek Nizinkiewicz, « Postawię pomnik Lechowi Kaczyńskiemu » (entretien avec Piotr Guział), Rzeczpospolita, 10 octobre 2013 ;
- Paweł Wroński, « Bój to nie jest ostatni », Gazeta Wyborcza, 11 octobre 2013 ;
- Marek Kozubal, « Cuda przed referendum », Rzeczpospolita, 11 octobre 2013.