Pologne : le PACtole des subventions agricoles européennes

Derrière la bonne surprise constituée par l’accord du Conseil européen en vue d’autoriser la Commission à emprunter de l’argent sur les marchés financiers – une forme de mutualisation des dettes inédite au niveau de l’UE –, on en oublierait presque que l’essentiel des moyens en jeu repose sur le très ordinaire Cadre financier pluriannuel.

Cet outil, qui fixe les limites du budget européen pour une période de sept ans, doit en effet apporter à lui seul près de la moitié des moyens du plan de relance, soit 1 074 milliards d’euros sur 2 400. Cela veut dire qu’en plus de devoir être étalés sur sept ans, ces 1 074 milliards d’euros ne représentent pas de l’argent « frais » mais des fonds qui auraient de toute façon alimenté les actions de l’UE sur la période 2021-2027.

À titre de comparaison, la proposition initiale de Cadre financier pluriannuel de la Commission, présentée en mai 2018, prévoyait une enveloppe totale de 1 134 milliards d’euros (crédits d’engagement en euros 2018). Si cette révision à la baisse peut sembler paradoxale dans le nouveau contexte de crise découlant de la pandémie de Covid-19 et de la mise à l’arrêt forcée des économies, elle s’explique sans doute par la position des États dits « frugaux » qui étaient déjà déterminés avant la crise à plafonner le budget européen à 1 % du revenu national brut de l’UE-27, soit 1 021 milliards d’euros.

Bien que ce groupe se soit beaucoup affaibli depuis le revirement de l’Allemagne, il compte encore l’Autriche, le Danemark, les Pays-Bas et la Suède, qui ont en commun d’être à la fois d’importants contributeurs nets et des bénéficiaires de « rabais » remis en cause par le départ du Royaume-Uni. La réduction du volume du Cadre financier pluriannuel peut donc être interprétée comme une concession faite à ces États, d’autant que l’introduction possible de nouvelles ressources propres (taxes sur les services numériques, les multinationales, les émissions de gaz à effet de serre…) et « l’élimination plus graduelle des rabais » promise par la Commission devraient permettre de rendre l’addition moins salée pour les « frugaux ».

La recherche de compromis et le conservatisme affichés par la Commission et le Conseil européen se retrouvent aussi dans la structure proposée des dépenses. Plutôt que de réexaminer la pertinence des programmes existants et de redéployer les moyens vers des sujets d’avenir comme l’innovation, la nouvelle esquisse de Cadre financier pluriannuel rabote davantage les budgets des missions nouvelles comme la gestion des frontières et la défense que ceux de lignes plus traditionnelles comme la Politique agricole commune (PAC).

Pour autant, la réduction des moyens de la PAC est une concession importante de la part de certains pays agricoles, en premier lieu la Pologne, qui réclamait à la fois une enveloppe au moins égale à celle de la période 2014-2020 (383 milliards d’euros 2018, c’est-à-dire 35 % du total des dépenses de l’UE) et l’égalisation des paiements directs à l’hectare entre États membres (processus dit de « convergence externe »).

À titre d’exemple, aujourd’hui, les agriculteurs néerlandais perçoivent en moyenne 400 euros de paiements directs à l’hectare contre environ 200 euros du côté de leurs collègues polonais, bulgares, estoniens, ou encore portugais. Avec une enveloppe plus petite à partager et la difficulté politique à diminuer les subventions des bénéficiaires actuels, il semble impossible de relever le niveau des aides des agriculteurs les moins bien pourvus, à moins par exemple d’introduire des plafonds ou de réduire le nombre de bénéficiaires.

Dans le cas polonais, l’analyse de la liste des bénéficiaires – un document dont la publication est obligatoire dans l’UE depuis 2013 – montre que ces deux réformes permettraient l’une comme l’autre de dégager des sommes conséquentes sans dégrader ni la capacité productive, ni le niveau de vie des « véritables agriculteurs ». Aussi étrange que cela puisse paraître, dans l’état actuel du droit, les subventions de la PAC peuvent être tout à fait légalement versées à des personnes propriétaires de terres agricoles, mais qui ne conduisent pas d’activité agricole. Dans sa proposition de réforme de la PAC, la Commission veut d’ailleurs que les États adoptent des définitions du « véritable agriculteur » afin d’empêcher le versement d’aides aux « personnes dont les activités agricoles ne constituent qu’une part négligeable de l’ensemble de leurs activités économiques ou dont l’activité principale n’est pas de nature agricole ». Ces situations sont très loin d’être marginales.

Quelques informations générales sur la PAC

Selon les statistiques de la Commission européenne, en 2018, les paiements directs de la PAC ont représenté un volume total de 41,5 milliards d’euros versés à 6,4 millions de bénéficiaires (personnes physiques ou morales). Parmi eux, 75 % ont perçu moins de 5 000 euros tandis que 0,5 % ont reçu plus de 100 000 euros. Ces deux groupes se taillent néanmoins une part équivalente de l’enveloppe totale, soit environ 15 % chacun, quand une majorité des fonds va aux 15 % des bénéficiaires pouvant être rattachés à une « classe intermédiaire » avec des aides allant de 10 000 à 100 000 euros. Comme le constate la Commission, « les paiements directs sont aussi concentrés que les terres : 20 % des plus grandes exploitations dans l’UE concentrent 82 % des terres et de la production agricole ».

La relation proportionnelle entre subventions et surface agricole résulte directement des critères d’attribution des aides, qui dépendent davantage du nombre d’hectares déclaré (et plus ou moins exploité) que de la production agricole ou de la conduite d’activités « agro-environnementales » comme le « maintien de la richesse floristique », l’entretien des haies et bosquets, ou encore le « maintien de surfaces refuge en faveur du hamster commun ».

Si la France a toujours été depuis les origines de la PAC dans les années 1960 le premier bénéficiaire en volume des aides – 7,2 milliards d’euros en 2018 pour près de 334 000 exploitations –, la Pologne compte en revanche le plus grand nombre de destinataires des subventions avec plus de 1,3 million de personnes physiques ou morales qui doivent cependant se partager une enveloppe plus modeste de 3,4 milliards d’euros. La Pologne représente ainsi à elle seule 20 % des bénéficiaires de la PAC, mais 8 % du montant total des aides.

Bien que cette disproportion s’explique pour partie par les inégalités des paiements à l’hectare entre États membres, elle trouve aussi sa cause dans les critères d’attribution très larges en vigueur en Pologne, au profit d’entités qui n’ont pas nécessairement vocation à être soutenues par la PAC.

Les millionnaires de la PAC…

Commençons par le sommet de la pyramide de distribution des paiements. Si l’on exclut les administrations publiques (ministères, agences de l’État, collectivités territoriales) qui bénéficient le plus souvent de la PAC au titre de l’assistance technique ou du développement rural (construction ou rénovation de routes, de réseaux d’assainissement, d’infrastructures scolaires ou sportives…), on dénombre pour l’année 2019, après consolidation des organisations à filiales, douze entités ayant perçu plus d’un million d’euros de subventions.

  • 12e – UPEMI (Union des producteurs et employeurs de l’industrie de la viande) - 1 050 216 euros
    Cette fédération professionnelle a reçu un soutien financier pour la coordination de la campagne de promotion « Meat with European quality » destinée à favoriser les exportations de viande de porc et de bœuf ainsi que de produits transformés à destination des États-Unis et du Canada.

  • 11e – Abattoirs Waldi - 1 072 784 euros
    Cette entreprise de production de charcuterie a reçu un soutien financier pour la mise en œuvre d’un projet de modernisation impliquant notamment l’acquisition de machines plus performantes.

  • 10e – Andersen Poland - 1 078 068 euros
    Cette entreprise de distribution a reçu un soutien financier en tant que fournisseur de produits laitiers, de fruits et de légumes aux écoles, dans le cadre du programme européen visant à « accroître la consommation de fruits, de légumes et de lait dans les écoles et à améliorer les habitudes alimentaires ».

  • 9e – Coopérative Agrofirma Witkowo - 1 196 776 euros
    Seule coopérative agricole de ce classement, cette exploitation située au nord-ouest de la Pologne s’étend sur plus de 12.000 hectares où sont produits des céréales, de la betterave à sucre, du maïs, du lait et de la viande (bœuf, porc, volaille). C’est aussi le plus grand cheptel bovin du pays avec plus de 5.000 têtes. Son président, Marian Ilnicki, dirige la coopérative depuis 1958. La majorité des aides perçues sont des « paiements verts » liés à des pratiques « favorables au climat et à l’environnement » comme la diversification des cultures et le maintien de prairies permanentes.

  • 8e – Goodvalley - 1 224 008 euros
    Ce groupe, fondé dans les années 1990 par le Danois Tom Axelgaard, est une entreprise intégrée de production porcine (culture de céréales, élevage des animaux, abattage et transformation). Aussi présent en Ukraine et en Russie, il réalise un chiffre d’affaires annuel de 200 millions, dont les deux tiers en Pologne. La majorité des aides perçues sont des « paiements verts » liés à des pratiques « favorables au climat et à l’environnement » comme la diversification des cultures et le maintien de prairies permanentes.

  • 7e – Combinat agricole Kietrz - 1 305 359 euros
    Située dans le sud de la Pologne, cette ancienne ferme d’État exploite aujourd’hui plus de 9.000 ha sur lesquels sont notamment produits du blé, du colza, du maïs, du lait, et de la viande bovine. Le combinat agricole de Kietrz est en outre le plus grand producteur européen de betteraves à sucre. La majorité des aides perçues sont des « paiements verts » liés à des pratiques « favorables au climat et à l’environnement » comme la diversification des cultures et le maintien de prairies permanentes.

  • 6e – AWRA - 1 467 314 euros
    Ce producteur de viande de volaille a reçu un soutien financier pour la mise en œuvre d’un projet de modernisation et d’augmentation des capacités, notamment par l’acquisition de nouvelles machines.

  • 5e – Sebex - 1 697 965 euros
    Cette entreprise de distribution a reçu un soutien financier en tant que fournisseur de produits laitiers, de fruits et de légumes aux écoles, dans le cadre du programme européen visant à « accroître la consommation de fruits, de légumes et de lait dans les écoles et à améliorer les habitudes alimentaires ».

  • 4e – Top Farms - 4 179 875 euros
    Championne de ce classement parmi les entités à caractère agro-alimentaire, la holding Top Farms doit avant tout sa première position à la surface qu’elle exploite en Pologne : près de 32.000 ha dans différentes régions du pays. Elle produit des céréales, des pommes de terre, du colza, du lait, de la viande, mais aussi du saule à biomasse et des semences.
    En plus d’être l’une des plus grandes entreprises du secteur agro-alimentaire en Pologne, la holding Top Farms n’est pourtant qu’une filiale du groupe Spearhead, originaire du Royaume-Uni et également présent en Slovaquie, en République tchèque, en Roumanie, et depuis peu en Serbie.
    Avec plus de 90.000 ha exploités à travers l’Europe, le groupe Spearhead est à la fois l’une des grandes entreprises européennes du secteur et l’un des plus importants bénéficiaires de subventions de la PAC – plus de 12 millions d’euros au total dans cinq pays différents. Depuis 2015, Spearhead est la propriété du fonds américain de capital-investissement Paine Schwartz, qui contrôle le groupe à travers des sociétés établies dans les îles Caïmans et Jersey, deux paradis fiscaux. Voir la structure complète du groupe Spearhead

  • 3e – l’Église catholique - 5 167 163 euros
    Bien qu’il n’existe pas de personne morale unique comprenant toutes les entités liées en Pologne à l’Église catholique (paroisses, mais aussi couvents, séminaires, maisons de retraite des prêtres, associations caritatives…), leur organisation hiérarchique et financière avec notamment la remontée de fonds des paroisses vers les diocèses justifie de présenter ces entités de manière consolidée.
    À travers ses nombreuses ramifications, l’Église catholique possèderait en Pologne environ 100 000 hectares, ce qui en ferait le plus grand propriétaire terrien du pays même si tous ses domaines ne sont pas de type agricole. Ceci explique néanmoins pourquoi quelque 900 entités rattachées à l’Église catholique perçoivent tant de subventions de la PAC. Certaines, comme autour du puissant archidiocèse de Gniezno où officie le primat de Pologne, sont de véritables exploitations agricoles à grande échelle, mais la plupart des paroisses ne détiennent en réalité que quelques hectares. Dépourvus de réelle activité de production, ces terrains sont néanmoins éligibles aux paiements uniques à la surface (107,72 euros par hectare, pratiquement sans condition).

  • 2e – les Forêts d’État - 5 218 269 euros
    À la différence de la France où les trois quarts des surfaces forestières sont des domaines privés, en Pologne, 80 % des forêts appartiennent à l’État qui en confie la gestion à un établissement un peu particulier : les Forêts d’État. Si leur directeur général est nommé par le ministre de l’Environnement, les Forêts d’État disposent d’une grande autonomie dans leur fonctionnement. En contrepartie, elles ne sont pas subventionnées et doivent s’autofinancer en intégralité, notamment par la vente de bois.
    Comme cela a été visible ces dernières années dans l’affaire de la forêt primaire de Białowieża, cette caractéristique est source de conflits d’intérêts puisque d’un côté, les Forêts d’État ont pour mission d’entretenir les domaines forestiers et de les rendre accessibles au public, mais de l’autre, elles ont des motivations financières renforcées par l’absence de contrôle des pouvoirs publics. Tous les profits générés par les Forêts d’État restent en effet dans la structure, avec pour résultat de doper les rémunérations. Les salaires minimum et moyen des agents des Forêts d’État, toutes catégories confondues, sont ainsi pratiquement deux fois supérieurs à leurs équivalents dans le reste de l’économie.
    Les aides de la PAC versées aux Forêts d’État se composent essentiellement de paiements uniques à la surface, de paiements de type « agroenvironnement - climat » et de paiements verts.

  • 1er – les associations de chasseurs - 6 423 955 euros
    Comme dans d’autres pays européens, les chasseurs forment en Pologne une communauté restreinte, mais politiquement très influente. Si l’Association polonaise de la chasse (PZŁ), qui détient dans le pays un monopole sur la pratique de cette activité, ne compte pas plus de 130.000 membres, ceux-ci sont surreprésentés au Parlement, tous partis confondus, ainsi que dans certaines administrations comme l’environnement, l’agriculture, la défense et les Forêts d’État.
    Hérité de l’époque communiste, le système polonais de gestion de la chasse fait du gibier la propriété de l’État dont l’exploitation est déléguée à l’Association polonaise de la chasse et ses quelque 2.000 « cercles de chasse ». Ces cercles ont une assise territoriale et pour avoir le droit de chasser sur un territoire donné, il faut être membre du cercle correspondant, sauf dans le cadre des très lucratives chasses commerciales organisées notamment pour des touristes étrangers et souvent par les cercles de chasse eux-mêmes. Pays très giboyeux, la Pologne attire en effet de nombreux chasseurs d’autres pays, y compris de hautes personnalités politiques comme Valéry Giscard d’Estaing au temps de sa présidence.
    Les terrains possédés par les associations de chasseurs ou mis à leur disposition leur ouvrent le droit de bénéficier des subventions de la PAC, en particulier des paiements uniques à la surface, des paiements de type « agroenvironnement - climat » et des paiements verts.

… et un million d’agriculteurs du dimanche ?

Quel que soit que le jugement que l’on peut porter sur le montant et l’utilité des aides perçues par les « millionnaires de la PAC », force est de constater qu’ils sont au final très peu nombreux et que les sommes en jeu ne représentent qu’une goutte d’eau dans le budget total de la PAC. Qu’en est-il du côté des plus petits bénéficiaires ?

Alors qu’au niveau de l’UE-28, 75 % des bénéficiaires reçoivent moins de 5 000 euros par an en subventions de la PAC, en Pologne, le troisième quartile est égal à 13 215,57 zlotys, soit 3 018 euros. Cela signifie que plus d’un million de bénéficiaires reçoivent moins de 3 018 euros par an en subventions de la PAC.

Si d’aussi faibles montants peuvent s’expliquer par les inégalités des paiements à l’hectare entre États membres et surtout, par la caractère très parcellisé des domaines agricoles polonais – ils comptent en moyenne 11 hectares contre 63 en France –, la question essentielle concerne la viabilité de telles exploitations et la réalité de leur production, d’autant que les coopératives sont peu répandues en Pologne.

Des économistes agricoles comme Jerzy Wilkin observent depuis longtemps qu’une majorité d’« agriculteurs » polonais travaillent en réalité à temps plein à la ville et ne se déclarent légalement comme agriculteurs que pour bénéficier des paiements de la PAC et d’un régime de protection sociale très avantageux, le KRUS, modelé d’ailleurs sur la Mutualité sociale agricole française. Pour ces « agriculteurs », les subventions de la PAC servent de fait d’aide sociale et sont déconnectées de tout objectif agricole.

Selon Jerzy Wilkin, seuls 200 000-250 000 exploitants seraient en mesure de vivre de l’agriculture en Pologne, un chiffre qui, rapporté à la population et la taille du pays, se rapprocherait de la situation en France. Or, les données croisées de la PAC et du KRUS font état en Pologne de plus d’1,3 million d’« agriculteurs », ou à tout le moins de personnes se prévalant de ce statut.

Dans le même temps, la somme des subventions reçues par le million de bénéficiaires le moins bien doté représente « seulement » un milliard d’euros, soit près d’un quart du total. Il en découle que les trois quarts restants des subventions vont à 25 % des exploitations, dont l’activité est vraisemblablement plus viable et véritablement agricole.

Conclusions

Quels enseignements est-il possible de tirer de cette analyse des bénéficiaires de la PAC en Pologne ? Tout d’abord, si le top 3 du classement constitué par les chasseurs, les forestiers et le clergé catholique peut prêter à sourire, les « millionnaires de la PAC » demeurent anecdotiques à l’échelle de l’ensemble des bénéficiaires.

La proposition de la Commission européenne de plafonner les paiements à 100 000 euros par exploitation conserve néanmoins de son importance en termes d’équité et dans le cas polonais, près de 2 500 entités subventionnées au total à hauteur de 450 millions d’euros (un peu plus de 10 % de l’enveloppe globale) seraient concernées. Il serait par ailleurs utile de tenir compte des liens capitalistiques entre sociétés afin d’éviter un démembrement factice des exploitations qui aurait pour but de contourner le plafonnement.

La réforme aux impacts les plus retentissants sur le plan de la distribution serait de réserver les fonds aux « agriculteurs véritables ». Plus que les économies budgétaires qui en résulteraient, y compris grâce aux réductions de charge administrative, ce serait plus d’un million de Polonais qui perdraient ce revenu d’appoint fourni par la PAC.

Lorsque la Pologne est entrée dans l’Union européenne en 2004, le taux de chômage y était voisin de 20 % et le salaire minimum ne dépassait pas 200 euros par mois. Depuis lors, ces indicateurs sont passés respectivement à 5 % et 600 euros tandis que les fonds de développement rural ont permis d’améliorer grandement le niveau de vie dans les campagnes, au point d’inverser les flux d’exode rural.

Au-delà des interrogations que soulève le maintien d’une fonction purement sociale de la PAC en Pologne, sans lien aucun avec l’agriculture, dans un contexte qui a radicalement changé en quinze ans, ce sont surtout aujourd’hui les rapports entre PAC et protection du climat et de l’environnement qui posent question. On a ainsi constaté qu’une part importante des fonds était consacrée au soutien du secteur de la viande au sens large (alimentation animale, élevage, abattage, transformation, promotion de la consommation et des exportations de produits carnés) alors que les modèles d’agriculture durable soulignent au contraire la nécessité de réduire la production et la consommation de viande.

Convaincus de l’impossibilité de réformer la PAC de façon à la rendre compatible avec les objectifs de politique climatique et environnementale, des organisations écologistes comme Greenpeace et les jeunes grévistes du climat de Fridays for Future appellent à son abandon pur et simple et à la mise en place d’un « nouveau » système.

De son côté, le commissaire européen en charge du Green Deal européen, Frans Timmermans, estime que la politique de la table rase retarderait l’adoption de nouvelles règles et prolongerait d’autant la PAC actuelle, avec tous ses défauts. Au crédit de son approche, même les réformes relativement modérées proposées par la Commission en 2018 ne bénéficient pas aujourd’hui d’un consensus politique suffisant pour pouvoir être adoptées. C’est pourquoi, à la fin du mois de juin, le Parlement européen et le Conseil se sont résolus à prolonger de deux ans les règles actuelles de la PAC, pour le plus grand bonheur des bénéficiaires de subventions.

Notes et sources

Toutes les conversions entre euros et zlotys sont calculées au taux utilisé en 2019 par l’Agence polonaise de restructuration et de modernisation de l’agriculture, soit 1 EUR = 4,3782 PLN.