Polémique autour des propos de Claude Guéant
Revue de la presse française du 4 au 10 février 2012
Après la relative « technicité » des propositions du président de la République, principalement d’ordre économique, l’appareil de campagne du probable candidat à sa succession porte le fer sur un autre terrain : celui des valeurs. Le ministre de l’Intérieur Claude Guéant, très proche de Nicolas Sarkozy pour l’avoir longtemps servi comme directeur de cabinet puis secrétaire général, a donc accepté d’endosser le mauvais rôle et de donner des gages à la frange la plus à droite pour permettre au chef de l’État de jouer la carte modérée et centriste, conformément à sa stratégie de représidentialisation.
Devant des membres du syndicat étudiant UNI (Union nationale inter-universitaire, très marqué à droite), Claude Guéant a déclaré samedi que « contrairement à ce que dit l’idéologie relativiste de gauche, pour nous, toutes les civilisations ne se valent pas. » Parmi les points de distinction, il a notamment évoqué « l’humanité », « la liberté, l’égalité et la fraternité » contre « la tyrannie, la minorité des femmes, la haine sociale ou ethnique » et a conclu en appelant à « protéger notre civilisation ».
Au pays du célèbre anthropologue Claude Lévi-Strauss, ces propos ont généré un profond malaise jusqu’au sein même de l’UMP, dont certains responsables se sont distanciés du ministre de l’Intérieur. Claude Guéant a cependant réaffirmé le lendemain sa pensée, qu’il tient « de bon sens » et « d’évidence », et a accusé la gauche de « promouvoir le nivellement des valeurs » au profit du « multiculturalisme » et des « communitarismes ». Selon le ministre, ces idées entrent en contradiction avec les « valeurs républicaines » qui doivent « prévaloir pour tous ».
Malgré la polémique qui a entouré cette hiérarchisation de fait des civilisations, Claude Guéant a reçu l’appui de Nicolas Sarkozy. Interrogé à la télévision lundi soir, il s’est également référé aux inégalités entre hommes et femmes pour qualifier comme de « bon sens » la supériorité de certaines civilisations sur d’autres. D’aucuns y ont vu une grossière allusion à l’islam et ont demandé des explications, par exemple le président du Conseil français du culte musulman Mohammed Moussaoui.
Si Claude Guéant n’en est pas à ses premières provocations médiatiques, rarement l’écho en a été aussi puissant au point de faire trembler les murs de l’Assemblée nationale. Le député de Martinique Serge Letchimy (opposition) a en effet dénoncé « une injure faite à l’homme » et a rappelé que ces mêmes civilisations tenues pour supérieures par le ministre de l’Intérieur avaient engendré « le régime nazi » et « les camps de concentration ». Les membres du gouvernement ont alors décidé de quitter la salle en signe de protestation, une première sous la Ve République et certainement une preuve supplémentaire de la polarisation du débat politique français.
Articles phares :
- Le Figaro, Guéant : « J’ai tenu des propos de bon sens et d’évidence » (entretien avec Claude Guéant), Sophie Huet, 6 février 2012 ;
- Le Parisien-Aujourd’hui en France, La controverse Guéant, Didier Micoine et Nathalie Segaunes, 6 février 2012 ;
- Le Parisien-Aujourd’hui en France, Un habitué des phrases chocs, 6 février 2012 ;
- Le Figaro, « Civilisations » : le soutien de Sarkozy au ministre de l’Intérieur, François-Xavier Bourmaud, 7 février 2012 ;
- Libération, L’Élysée adoube le croisé Guéant, Alain Auffray, 7 février 2012 ;
- Le Figaro, Un élu de gauche enflamme l’Assemblée, Sophie Huet, 8 février 2012.