Perturbations dans les aéroports à l’approche des fêtes

Revue de la presse française du 17 au 23 décembre 2011

Comme chaque année, les fêtes de Noël et du Nouvel An voient de nombreux Français partir en transhumance pour passer quelques jours en famille. Ces grands départs constituent toujours un défi important pour les opérateurs aériens et ferroviaires, qui doivent gérer des flux massifs de voyageurs concentrés sur une brève période.

Dans un tel contexte, il n’est pas très surprenant qu’un conflit social somme toute banal prenne soudainement une dimension inédite et déclenche l’intervention des plus hautes autorités de l’État. En effet, alors que la grève entamée dix jours auparavant par une partie des agents de sécurité des aéroports relevait de négociations entre acteurs privés, le président Nicolas Sarkozy s’est personnellement saisi de l’affaire pour éviter que les Français ne soient « pris en otage au moment de partir en vacances ».

À l’origine, il n’était question dans ce conflit que de hausses de salaires et d’amélioration des conditions de travail. Les agents de sécurité, soumis au droit du travail ordinaire, s’opposaient à leurs employeurs, entreprises certes sous contrat avec des organismes publics comme les gestionnaires d’aéroport mais appartenant au secteur privé. Il avait de fait été décidé en 1996 que les activités de contrôle des passagers ne seraient plus exercées par des fonctionnaires — policiers, voire militaires dans certains pays — mais par des contractants privés. L’État n’avait donc a priori pas de raison d’interférer dans les négociations.

Le gouvernement fait remplacer les grévistes par les forces de l’ordre

Cependant, les déclarations concomitantes de Claude Guéant (ministre de l’Intérieur), Nathalie Kosciusko-Morizet (ministre du Développement durable) et de Thierry Mariani (secrétaire d’État aux Transports) au sujet d’un éventuel remplacement des agents grévistes par des forces de police ou de gendarmerie pour assurer la continuité du service ont été perçues comme une tentative de remise en cause du droit de grève. Malgré les objections, ordre a été donné en fin de semaine à 260 policiers et gendarmes de se déployer dans les aéroports et de procéder au pied levé aux contrôles de sécurité obligatoires avant l’embarquement.

Les syndicats des salariés, dont le message a été repris par Libération, ont dénoncé le « bris de grève » organisé par le gouvernement. L’exécutif accuse de son côté les grévistes de « prendre en otage » les Français, un terme qui rencontre un certain écho auprès de nombreuses personnes interrogées par les journalistes. Le porte-parole du ministère de l’Intérieur Pierre-Henry Brandet ajoute que « des milliers de passagers bloqués, c’est un trouble à l’ordre public, cela pose un vrai problème de sécurité ». Quant au Figaro, il se range sans surprise dans le camp des pouvoirs publics et joue en cette période la carte du sentimentalisme pour appeler à « en finir avec la “gréviculture” ».

Au débat sur l’opportunité de l’opération se greffe une discussion plus large autour du service minimum dans les transports aériens. Le député Éric Diard avait en effet introduit une proposition de loi visant à étendre le texte de 2007 « sur le dialogue social et la continuité du service public dans les transports terrestres réguliers de voyageurs » aux transports aériens et l’Assemblée nationale pourrait l’examiner dès le mois de janvier. Confondue à tort avec un « service minimum », la procédure créée en 2007 oblige les organisations représentatrices des salariés à entamer des négociations avec l’employeur avant de déposer un préavis de grève. Les grévistes sont également tenus d’avertir l’entreprise au moins quarante-huit heures avant le début du mouvement afin de faciliter l’organisation du travail avec les employés non grévistes, mais aucune obligation d’assurer un trafic minimum n’existe à la différence d’autres cadres législatifs en Europe.

Pour autant, plusieurs professions du secteur des transports aériens voient d’un mauvais œil cette extension qui pourrait affaiblir leur position dans les négociations avec la direction. Elles soulignent qu’à la différence des transports terrestres, où les opérateurs se trouvent souvent en situation de monopole, les transports aériens sont très concurrentiels et les compagnies « pourr[aient] s’organiser pour contourner la grève en affrétant des avions », comme le redoute le président du syndicat UNAC Franck Mikula. Les représentants des pilotes de ligne, des hôtesses et des stewards ont d’ores et déjà annoncé de possibles actions en représailles. Les discussions à l’Assemblée promettent donc d’être mouvementées, alors que les élus UMP les plus extrémistes espèrent profiter de l’occasion pour faire interdire le droit de grève pendant les vacances. Un droit pourtant garanti par le bloc constitutionnel.

Articles phares :
- Le Figaro, Transport aérien : pour en finir avec la « gréviculture », Yves Thréard, 19 décembre 2011 ;
- Le Monde, Le gouvernement déterminé à mettre fin à la grève dans la sûreté aéroportuaire, Philippe Jacqué, jeudi 22 décembre 2011 ;
- Libération, Les forces de l’ordre en renfort pour assurer la sûreté aérienne, Guillaume Launay, 21 décembre 2011 ;
- Libération, Service minimum : de l’orage dans l’air, Yann Philippin, 21 décembre 2011 ;
- Libération, Visites, François Sergent, 23 décembre 2011.