La France prête à appliquer seule la taxe sur les transactions financières
Revue de la presse française du 7 au 13 janvier 2012
Proche du terme de son mandat, le président Nicolas Sarkozy ne semble pas pour autant se résoudre à la passivité. Sommet social avec les syndicats, TVA dite « sociale », taxe sur les transactions financières (TTF) : voici les grands chantiers que l’Élysée espère achever avant les élections, même si la mise en œuvre de ces mesures ne se produira sans doute qu’ultérieurement. Au moins assurent-ils au chef de l’État et à son parti une certaine maîtrise de l’agenda médiatique, après le succès engrangé sur ce plan par François Hollande la semaine dernière (voir notre Lettre no48).
La tenue d’un sommet franco-allemand lundi 9 janvier à Berlin a en particulier donné l’occasion à Nicolas Sarkozy et à ses services de faire avancer le dossier de la taxe sur les transactions financières (TTF), mis sur la table par la Commission européenne au début de l’automne 2011. À l’origine, cette taxe était destinée à fournir à l’Union européenne une nouvelle ressource propre. Les quelque 57 milliards d’euros qu’elle rapporterait serviraient notamment à financer les politiques greffées aux domaines de compétence de l’UE par le traité de Lisbonne, à diminuer les contributions nationales actuelles mais aussi à renflouer les caisses des États membres.
Cependant, le projet n’est pas certain d’aboutir en raison de l’inflexible opposition du Royaume-Uni, qui redoute la fuite de son importante place financière vers des cieux plus cléments. L’aspect symbolique de la question refroidit également d’autres pays comme les Pays-Bas ou le Danemark, peu désireux de concéder à l’Union davantage de pouvoirs en matière fiscale. C’est pourquoi la France est prête à prendre les devants et à appliquer si nécessaire seule la TTF. L’Allemagne, qui est pourtant favorable sur le principe à l’instauration d’une telle taxe, souhaite en revanche la conditionner a minima à la participation des dix-sept membres de la zone euro voire, si possible des Vingt-Sept. De fait, à Paris comme à Francfort, les groupes de pression de l’industrie financière se sont déjà manifestés pour déclarer qu’en cas de prise de décision limitée au couple franco-allemand, le secteur procédera à des délocalisations. Laurence Parisot, présidente du Mouvement des entreprises de France (Medef), a ajouté que la TTF contribuerait en outre à renchérir le coût du crédit pour l’économie.
Plutôt qu’une vraie « taxe Tobin » qui toucherait toutes les transactions financières portant sur les actions, les obligations et les produits dérivés, il est donc possible que Paris opte pour une solution plus modeste. L’impôt de Bourse, institué en 1893 et supprimé en 2008 pourrait par exemple être rétabli en attendant que la proposition de la Commission soit adoptée. À la différence de la TTF, cet impôt ne concerne que les échanges d’actions. De plus, Londres applique déjà une Stamp Duty Reserve Tax comparable, par conséquent les risques de concurrence fiscale seraient plus limités.
Le Monde rappelle à ce titre que la Suède avait déjà tenté dans les années 1980 de mettre sur pied une taxe Tobin. Les fuites de capitaux l’avaient alors stérilisée et l’expérience avait dû être interrompue. Néanmoins, l’histoire des financements innovants a connu des épisodes plus heureux avec la taxe sur les billets d’avion, d’abord créée en France en 2006 avant d’être reprise par huit autres pays. Les défenseurs de la taxe Tobin y voient un argument pour aller de l’avant coûte que coûte, quitte à jouer dans un premier temps les cavaliers seuls. Le chef de l’État, qui en fait une question de « justice » à l’égard des « dérèglements de la finance », pourrait être de cet avis.
Articles phares :
- Le Figaro, Francfort se rebiffe contre la taxe Tobin, Patrick Saint-Paul, 12 janvier 2012 ;
- Le Monde, Taxe Tobin : M. Sarkozy veut accélérer la mise en oeuvre, Aline Leclerc, Jean-Pierre Stroobants et Thomas Wieder, 9 janvier 2012 ;
- Le Monde, De la taxe Tobin à l’impôt de Bourse, Arnaud Leparmentier, 10 janvier 2012 ;
- Le Parisien, La France persiste sur la taxe Tobin, Frédéric Gerschel, 10 janvier 2012 ;
- Libération, Taxe Tobin : le couple franco-allemand désuni, Nathalie Dubois, 9 janvier 2012.