Vu de Pologne. L’hypothèse d’une offensive contre la Syrie repoussée
Revue de la presse polonaise du 31 août au 6 septembre 2013
À la fin du mois d’août, les quotidiens polonais dominants s’accordaient sur l’imminence d’une attaque américaine contre la Syrie en réponse à un usage massif d’armes chimiques attribué au régime de Bachar Al-Assad. Les observateurs les plus hardis élaboraient même des scenarii de déroulement des opérations en fonction du degré d’engagement choisi par la Maison Blanche – l’hypothèse jugée la plus problable étant celle de frappes ciblées et très brèves.
L’annonce de Barack Obama samedi de demander un vote du Congrès avant une éventuelle intervention a donc surpris la presse polonaise, d’autant que les parlementaires américains étaient alors en congé pour ne siéger de nouveau qu’à partir du 9 septembre. L’attaque ne pouvait donc plus survenir avant cette date. Par ailleurs, l’autorisation du Congrès, pourtant facultative en droit américain pour des opérations militaires d’envergure limitée, ne serait pas si évidente à obtenir : le cas britannique avait démontré que la discipline partisane n’était pas infaillible sur le dossier syrien.
Les Français en revanche peuvent se flatter d’avoir conquis l’estime des journalistes conservateurs de Rzeczpospolita : ils « sauvent l’honneur de l’Union » (2 septembre) ; le « faucon » François Hollande « influence les destins du monde. […] Fierté, force, héroïsme. En un mot, la grandeur [en français dans le texte] » (5 septembre). La décision de Paris de maintenir malgré tout son soutien à Washington, plus de dix ans après le traumatisme irakien, semble essentiellement lue à travers le prisme de la loyauté transatlantique, argument employé dans le même temps contre le gouvernement polonais.
Un soutien politique mais toujours pas de participation militaire envisagée
En effet, malgré un infléchissement du Premier Ministre Donald Tusk, qui a déclaré à Westerplatte dimanche à l’occasion de l’anniversaire du début de la Deuxième Guerre Mondiale que « l’intervention des États-Unis serait une réaction compréhensible et nécessaire pourvu qu’elle soit efficace », Varsovie n’entend pas pour le moment aller au-delà du soutien politique.
Cette position est pour l’ancien diplomate britannique Ian Bond, interrogé par Rzeczpospolita, « surprenante », quand elle n’est pas qualifiée d’« erreur » par l’universitaire et ancien directeur au ministère polonais des Affaires étrangères Zbigniew Lewicki. Une fois de plus, c’est le manque de solidarité vis-à-vis des alliés, notamment de la Turquie, qui est reproché à l’exécutif : les Polonais, qui s’interrogent aujourd’hui s’« il vaut la peine de mourir pour la Syrie ? », se poseraient en réalité la même question que leurs alliés en 1939 « Êtes-vous prêts à mourir pour Dantzig ? », avec un sous-entendu lourd de sens.
Les deux tribunes pointent également du doigt la mauvaise analyse des risques faite par le gouvernement. En effet, la fin de la politique « expansionniste », décrétée par le président Bronisław Komorowski alors que la Pologne maintient un niveau relativement élevé de dépenses militaires, reviendrait de facto à donner la priorité à la défense territoriale et donc à considérer les voisins immédiats comme la plus grande menace. C’est ce constat qui est remis en cause par Ian Bond et Zbigniew Lewicki.
Enfin, l’éditorialiste de Rzeczpospolita Jędrzej Bielecki enfonce le clou en se moquant de « l’étroitesse des horizons » du Premier Ministre et plus largement du provincialisme de la classe politique polonaise. Il en veut pour preuve l’absence de réaction de l’opposition ou des media aux changements d’attitude de Donald Tusk mais aussi le manque de vision pour l’Union européenne, réduite selon le journaliste aux questions qui touchent directement la Pologne comme le budget ou les quotas de CO~2~. Cette tactique de l’autruche, met en garde Jędrzej Bielecki, risque de placer le gouvernement polonais à la marge des débats les plus essentiels et de fragiliser la défense des intérêts de long terme comme l’accord d’association avec l’Ukraine.
Articles phares :
- Tomasz Bielecki, « Obama opóźnia atak na Al-Asada o ponad tydzień. Prosi Kongres o zgodę », Gazeta Wyborcza, 1 septembre 2013 ;
- Jędrzej Bielecki, « Francuzi ratują honor Unii », Rzeczpospolita, 2 septembre 2013 ;
- Jędrzej Bielecki, « Obama w pułapce » (entretien avec Ian Bond), Rzeczpospolita, 2 septembre 2013 ;
- Jędrzej Bielecki, « Premier bardzo wąskich horyzontów », Rzeczpospolita, 3 septembre 2013 ;
- Zbigniew Lewicki, « Czy warto umierać za Syrię », Rzeczpospolita, 3 septembre 2013 ;
- Marek Magierowski, « Hollande w roli jastrzębia », Rzeczpospolita, 5 septembre 2013.