François Hollande renforce son statut de présidentiable
Revue de la presse française du 21 au 27 janvier 2012
Deux semaines après la publication remarquée de sa profession de foi dans les colonnes de Libération (voir notre Lettre no48), le candidat socialiste à l’élection présidentielle François Hollande continue d’engranger des points pour sa campagne, alors que le scrutin doit avoir lieu dans trois mois. Grand meeting, débat télévisé, programme : les principaux éléments du décor sont désormais en place et il ne manque plus que l’entrée en scène du rival Nicolas Sarkozy pour que la campagne atteigne son intensité maximum.
Au Bourget (Seine-Saint-Denis), dimanche, François Hollande a dévoilé devant plus de vingt mille personnes certaines de ses propositions, comme la réforme du secteur bancaire, des moyens supplémentaires en faveur de la construction de logements et une révision en profondeur de la fiscalité qui viendrait notamment financer des services publics de proximité.
Un discours plus marqué à gauche
La plupart des observateurs s’accordent pour voir dans ce discours un « gauchissement » du candidat du PS, pourtant étiqueté de manière générale comme social-démocrate. Les membres du Front de gauche, un parti plus radical composé de nombreux déçus du Parti socialiste, se félicitent de leur travail d’influence quand les écologistes, en revanche, remarquent l’absence quasi totale de leur thème de prédilection dans les propos de François Hollande. Il est vrai que le durcissement de la crise économique semble avoir relégué les questions environnementales au second plan des préoccupations des Français, derrière le chômage ou bien encore l’avenir de l’euro.
Le candidat socialiste a donc fait du « monde de la finance » son « véritable adversaire », dans un double écho au « mur de l’argent » qui avait dans les années 1920 abouti à la chute du Cartel des gauches et aux « puissances de l’argent » dénoncées trente ans plus tôt par François Mitterrand. Toutefois, pour le chroniqueur de Libération Bernard Guetta, il ne s’agit nullement d’un « gauchissement » mais d’un retour aux sources qu’il faut interpréter comme le premier acte d’une « refondation d’une gauche européenne » destinée à maîtriser les rênes de la mondialisation à l’échelle continentale. Si certaines propositions de François Hollande se retrouvent en effet dans d’autres espaces politiques en Europe voire outre-Atlantique, les signes annonciateurs d’une « vague rose » comparable au phénomène de la fin des années 1990 restent pour le moment très faibles.
La laïcité, une vieille querelle pas complètement éteinte
Outre le thème de la finance, l’autre proposition qui a suscité un important débat est l’inscription du principe de laïcité dans la Constitution. Aussitôt balayée par les ténors de l’UMP, selon lesquels le texte fait déjà mention d’une « République indivisible, laïque, démocratique et sociale », elle a également été mal reçue en Alsace-Moselle, toujours sous régime concordataire. Au moment du vote en 1905 de la grande loi de séparation des Églises et de l’État, la région était incorporée à l’Empire allemand et sa réintégration à la République française en 1918 n’a pas remis en cause le « droit local ».
La réaffirmation du principe de laïcité pose en même temps la question du financement des lieux de culte pour les religions non établies de longue date sur le territoire national, en particulier l’islam. La situation actuelle, qui interdit en principe aux autorités publiques de soutenir des projets de ce type, conduit de facto à une discrimination puisque l’Église catholique jouit des biens cultuels existants mis à sa disposition par les communes quand les fois longtemps minoritaires ne bénéficient pas d’un tel avantage. Le phénomène tend à réveiller les querelles autour de la laïcité, clivage ancien entre la droite et la gauche françaises qui s’était pourtant relativement apaisé au sortir de la Première Guerre mondiale. François Hollande semble de son côté assez modéré sur ce point et a promis qu’il ne remettrait pas en cause le droit local d’Alsace-Moselle.
Le même jour a paru son livret-programme, contenant « 60 engagements pour la France ». Plus parcimonieux que le projet du Parti socialiste en raison du contexte financier difficile, il n’en est pas moins basé selon plusieurs commentateurs sur des prévisions de croissance plutôt optimistes qui entachent en partie sa crédibilité. Maintenant qu’il a établi la preuve de sa « crédibilité personnelle », écrit le journaliste Alain Duhamel, François Hollande doit maintenant « démontrer celle de son projet ». Les sondages confirment ce constat, de même que la prestation télévisée du candidat face à Alain Juppé jeudi soir. Le chef de l’État devrait quant à lui s’exprimer devant les caméras dimanche pour tenter de reprendre l’initiative de la campagne. Il exclut cependant d’anticiper l’annonce de sa candidature.
Articles phares :
- Le Figaro, Hollande s’ancre à gauche, Nicolas Barotte et François-Xavier Bourmaud, 23 janvier 2012 ;
- Le Figaro, Banques, logement, services publics : un projet très rose, Cyrille Lachèvre, 23 janvier 2012 ;
- Le Monde, Hollande s’ancre à gauche, avec un projet prudent, Samuel Laurent, 24 janvier 2012 ;
- Le Monde, François Hollande a voulu à la fois contrer la droite et rassurer la gauche, David Revault d’Allonnes et Thomas Wieder, 27 janvier 2012 ;
- Le Monde, Le candidat socialiste précise sa proposition sur la laïcité, Stéphanie Le Bars, 27 janvier 2012 ;
- Le Parisien-Aujourd’hui en France, Un sondage inquiétant pour l’Elysée, Henri Vernet, 24 janvier 2012;
- Le Parisien-Aujourd’hui en France, 20 Mds€ de mesures nouvelles, Olivier Baccuzat, 26 janvier 2012 ;
- Le Parisien-Aujourd’hui en France, Sarkozy mise sur son émission dimanche, Frédéric Gerschel et Nathalie Schuck, 26 janvier 2012 ;
- Libération, Front de gauche et écolos déphasés, Lilian Alemagna, 24 janvier 2012 ;
- Libération, Le Bourget et la gauche européenne, Bernard Guetta, 25 janvier 2012 ;
- Libération, Les contresens à propos de François Hollande, Alain Duhamel, 26 janvier 2012.