Droits des consommateurs : ce qui pourrait changer en 2011

Première publication sur Fenêtre sur l’Europe le 10 février 2011.

Plus de deux ans après la proposition faite par la Commission européenne de renforcer l’harmonisation des droits des consommateurs dans les 27 États membres, le dialogue s’intensifie entre le Parlement et le Conseil en vue de l’adoption prochaine de la directive. Que doit-on attendre de nouveau du texte ?

ll y a quelques jours, la commission IMCO (Marché intérieur et protection des consommateurs) a entériné le rapport du député européen Andreas Schwab sur le projet de directive relative aux droits des consommateurs. Ce vote ouvre la voie à une première lecture du texte en session plénière du Parlement, programmée pour le mois prochain, et peut-être à son adoption définitive avant l’été en raison de la volonté commune des parlementaires et des membres du Conseil de boucler rapidement le dossier.

Le cheminement de la proposition de la Commission européenne ne s’apparente pas en effet à un long fleuve tranquille. Sa double ambition de remplacer quatre directives existantes et de procéder à une harmonisation complète au niveau européen s’est heurtée à des résistances non seulement de la part des États membres, comme souvent soucieux de ne pas se voir imposer par « Bruxelles » des textes bruts de décoffrage, mais aussi du côté de certaines associations de consommateurs qui redoutaient une harmonisation par le bas.

De fait, le projet ne semble pas tant inspiré par la louable intention de mieux défendre les droits de tous les consommateurs européens que par le souhait de dynamiser les achats à l’étranger, une pratique encore marginale aujourd’hui en dépit des très larges possibilités offertes par Internet. En définissant des règles précises auxquelles les États ne pourraient déroger, la Commission espère renforcer la sécurité juridique au bénéfice tant des consommateurs que des professionnels. Il est vrai que si les premiers n’ont pas une grande confiance dans les revendeurs situés à l’étranger, ces derniers rencontrent aussi de sérieux obstacles qui les empêchent d’offrir leurs produits dans l’ensemble du marché intérieur.

À titre d’exemple, des études révèlent que les habitants des îles de Chypre et de Malte auraient accès à un catalogue de biens deux fois moins varié que les autres citoyens européens. Dans un autre registre, des consommateurs polonais ont lancé en 2003 une pétition pour pouvoir avoir eux profiter d’iTunes Store, chose rendue impossible par Apple alors que ses ordinateurs, ses téléphones et ses baladeurs sont répandus dans le pays. Toutefois, d’épineux problèmes juridiques n’ont jusqu’ici pas permis de leur donner satisfaction.

L’approche choisie par la Commission améliorera-t-elle la situation ? Rien n’est moins sûr puisque la fragmentation nationale des marchés est loin de ne résulter que des différences entre les vingt-sept droits de la consommation. Il importe de ne pas oublier les frontières linguistiques, la variété des moyens de paiement, les questions de droits d’auteur qui limitent la diffusion de biens culturels hors de l’espace national ou encore le coût très élevé de l’acheminement postal à travers l’UE. Pour autant, la réduction des coûts liés à l’application de normes contractuelles diverses reste un premier pas que l’on ne peut qu’encourager, à condition qu’elle ne s’effectue pas au détriment des droits des consommateurs.

Une harmonisation par le bas ?

Ce point est sans doute le plus criticable de la proposition de la Commission. En optant pour l’harmonisation complète au lieu de l’harmonisation minimale qui était à la base des directives précédentes, la Commission devra contraindre les États membres qui avaient adopté des mesures plus protectrices des droits des consommateurs à réviser leur législation. Pour éviter ce paradoxe, la commission IMCO du Parlement européen privilégie une voie médiane qui cherche à concilier le principe d’harmonisation complète, réputé plus lisible, avec le maintien des dispositions plus avancées en faveur des consommateurs.

Du point de vue français, la question se pose avec une acuité moindre car notre droit de la consommation ne se trouve pas vraiment à l’avant-garde au niveau européen. Les nouvelles règles contenues dans la directive constituent donc pour la plupart de réels progrès dont on citera seulement quelques illustrations.

La première concerne le droit de rétractation que détient tout consommateur dans le cadre d’une vente à distance ou hors établissement (visite d’un représentant à domicile par exemple). Désormais, ce droit pourra être exercé dans un délai de 14 jours après réception de la marchandise contre 7 aujourd’hui. Il n’est pas nécessaire de motiver la décision et un formulaire standard a été élaboré par les services de la Commission pour faciliter l’usage de ce droit, en particulier au profit des personnes qui ne sont pas à l’aise avec la rédaction de courrier. Après notification de la réception, le professionnel dispose de 30 jours pour rembourser le consommateur. La Commission a repris la solution développée par la Cour de justice selon laquelle le remboursement ne couvre pas seulement le prix du produit mais également les frais de livraison. En revanche, les frais de retour restent à la charge du consommateur, à moins que l’amendement du Parlement ne soit retenu et que cette charge soit transférée au vendeur pour les biens dont le prix dépasse 50 euros. Un autre amendement vise également à réduire la période limite de remboursement à 14 jours. Notons cependant que le droit de rétractation ne s’applique pas à certains produits comme les biens périssables, les CD, DVD et logiciels informatiques déscellés etc. pour des raisons techniques ou des risques de copie.

Un iPod facturé 199 euros en France mais 170 au Royaume-Uni

La deuxième nouveauté touche au délai de livraison. Le Code de la consommation dispose à l’heure actuelle que le professionnel doit spécifier une date limite mais sans plus de précision. Le projet de directive enferme, sauf accord contraire entre les parties, ce délai dans une période de 30 jours au-delà de laquelle le consommateur peut demander remboursement. Ceci devrait contribuer à mettre fin à des pratiques de revendeurs peu scrupuleux qui exposent un catalogue très fourni pour attirer le chaland sans disposer des stocks nécessaires à la satisfaction du client dans un temps raisonnable.

Enfin, l’accord explicite du consommateur sera désormais requis pour tout paiement qui vient s’ajouter au prix de l’objet principal de la prestation. On pensera notamment à ces assurances annulation précochées qui sont vendues avec des billets de train ou d’avion. Si le consommateur s’aperçoit a posteriori qu’un tel service lui a été facturé, il pourra obtenir remboursement.

Ces règles ne devraient pas seulement s’appliquer aux transactions transfrontalières mais aussi aux contrats nationaux pour éviter l’apparition de discriminations à rebours, qui accorderaient davantage de protection dans le cadre d’achats à l’étranger qu’au cours de ventes strictement nationales. La Commission insiste cependant une fois encore sur les avantages que l’on peut trouver à faire ses emplettes en dehors de son pays de résidence – physiquement ou via Internet – puisque les prix y sont parfois considérablement inférieurs. En mars 2008, le même iPod coûtait par exemple 199 euros en France, 170 euros au Royaume-Uni… mais 270 euros en Hongrie. N’est-ce pas une bonne raison de se mettre à l’anglais ?