Vu de Pologne. Débordements à Varsovie le jour de la fête de l’Indépendance
Revue de la presse polonaise du 9 au 15 novembre 2013
L’ouverture le 11 novembre à Varsovie de la conférence des Nations Unies consacrée au réchauffement climatique a été largement éclipsée dans les media polonais par les actes de violence commis en marge des commémorations de la fête de l’Indépendance. Si le 11 novembre est en effet d’abord associé en France avec l’armistice de la Grande Guerre en 1918, la date évoque surtout en Pologne la recréation la même année d’un État polonais indépendant, après 123 ans d’absence sur les cartes européennes.
Cependant, pour la troisième année consécutive, les manifestations pacifiques de patriotisme ont été sérieusement gâchées par des désordres impliquant des organisations nationalistes comme la Jeunesse de toutes les Polognes et le Camp national-radical (ONR). Lancers d’engins incendiaires, destruction de mobilier urbain, voitures brûlées, affrontements avec les forces de police : bien que le bilan total des débordements demeure modéré – 19 blessés et environ 120 000 złotys de dégâts, soit moins de 30 000 € –, le public polonais est d’autant plus sensible à de telles scènes qu’elles se produisent très rarement.
Lasse de voir se répéter chaque année le même type d’incident, la mairie de Varsovie a cette fois décidé de poursuivre en justice les organisateurs afin d’obtenir réparation. Plus de soixante-dix personnes ont également été arrêtées par la police et sept condamnées en comparution immédiate afin de ne pas laisser se former un sentiment d’impunité parmi les casseurs, souvent liés à des clubs ultra de supporters de football.
Vers une interdiction de manifester masqué ?
La police et les autorités locales déplorent néanmoins la faiblesse du cadre législatif actuel qui régit l’organisation de manifestations publiques. Bien que la loi ait été durcie il y a deux ans sur initiative de la Présidence de la République, les parlementaires avaient à l’époque rejeté un article qui aurait contraint les manifestants à sortir à visage découvert. Selon certains d’entre eux, l’interdiction de se masquer lors de manifestations publiques aurait constitué une atteinte disproportionnée à la liberté d’expression et aurait pu être pour cette raison censurée par le Tribunal constitutionnel. Des associations avaient également cité le cas des grévistes dont l’identification aurait pu entraîner des représailles de la part des employeurs, dissuadant de fait les salariés d’exercer leur droit de manifester.
La répétition des incidents semble malgré tout donner raison à la Présidence, qui a d’ores et déjà annoncé son intention de proposer de nouveau l’adoption d’une interdiction de dissimuler son visage lors de manifestations publiques. Le rapport de forces pourrait cette fois pencher en sa faveur puisque même le SLD (parti social-démocrate), qui s’était opposé à la mesure la première fois, devrait maintenant la soutenir. Le quotidien progressiste Gazeta Wyborcza a également pris très clairement parti pour le texte.
Plus graves, les attaques contre l’ambassade de Russie n’ont pas contribué à apaiser les tensions à quelques semaines du sommet du Partenariat oriental à Vilnius (Lituanie). Alors que Moscou recourt à des moyens de pression plus ou moins subtils pour dissuader l’Ukraine de signer un important accord d’association avec l’Union européenne, l’incendie d’une cabine de surveillance et des jets de projectiles contre le siège de l’ambassade de Russie ont fourni un prétexte aux autorités et aux media russes pour dénoncer la « russophobie » et le « nationalisme » des Polonais.
Attaques contre l’ambassade de Russie : la Pologne s’excuse
En exigeant des « excuses » officielles de la Pologne – le ministère des Affaires étrangères s’était dans un premier contenté d’exprimer des « regrets » –, Moscou aurait selon le journal conservateur Rzeczpospolita tendu un piège au gouvernement polonais, tiraillé entre la nécessité de ne pas ternir sa réputation de partenaire sérieux aux yeux de l’Union européenne et la volonté de ne pas donner du crédit aux accusations d’inféodation à la Russie jetées par les ultra-conservateurs et les nationalistes.
Rzeczpospolita suspecte également les autorités russes de forcer l’exécutif polonais à reconnaître une faute pour obtenir la démission de M. Bartłomiej Sienkiewicz, actuel ministre de l’Intérieur et fin connaisseur de la Russie pour avoir participé à la création du Centre des études de l’Est (OSW), influent laboratoire d’idées en matière de politique étrangère. Les commentateurs polonais sont il est vrai nombreux à mettre en cause l’impréparation des forces de police face aux attaques des hooligans contre l’ambassade russe.
En milieu de semaine, une manifestation violente mais de moindre ampleur a pris pour cible l’ambassade de Pologne en Russie, malgré le dispositif de sécurité renforcé mis en place par les autorités locales. Un événement dont le toujours très soupçonneux Rzeczpospolita questionne le caractère spontané. Afin de ne pas jeter de l’huile sur le feu et ne pas risquer la dégradation des relations politiques bilatérales, le ministère polonais des Affaires étrangères a préféré faire profil bas sur le sujet. Le président de la République, M. Bronisław Komorowski, a également fait le choix de l’Europe en présentant le même jour au nom de la Pologne ses excuses pour des actes « absolument scandaleux et injustifiables ».
Articles phares :
- « Ambasador Rosji: Nikt nie pisze o nas tak negatywnie, jak Polska », Gazeta Wyborcza, 13 novembre 2013 ;
- Maciej Czarnecki, Piotr Machajski, « Bilans zadym na Marszu Niepodległości. Czy i gdzie zawiniła policja? », Gazeta Wyborcza, 13 novembre 2013 ;
- Ewa Siedlecka, « Po burdach na 11 listopada w Warszawie: co na to prawo? Czy trzeba zaostrzać przepisy? », Gazeta Wyborcza, 13 novembre 2013 ;
- Paweł Wroński, « Polski patriotyzm to nie antyrosyjskość. Rosji należy się „przepraszamy” », Gazeta Wyborcza, 13 novembre 2013 ;
- Janina Blikowska, Grażyna Zawadka, « Kto zapłaci za burdy i zniszczenia », Rzeczpospolita, 13 novembre 2013 ;
- Piotr Jendroszczyk, « Wymarzony podarunek dla Władimira Putina », Rzeczpospolita, 13 novembre 2013 ;
- Jerzy Haszczyński, « Rosjanie zwalniają Sienkiewicza », Rzeczpospolita, 13 novembre 2013 ;
- Piotr Jendroszczyk, Paweł Majewski, « Moskwa czeka na reakcję Tuska? », Rzeczpospolita, 14 novembre 2013 ;
- « Dlaczego prezydent Komorowski przeprosił Rosję? „Jak się narozrabiało na podwórku, rodzice szli przepraszać sąsiadów” », Gazeta Wyborcza, 15 novembre 2013.